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08/12/22 | masculinité
Un texte de Yves Deloison (ViveS) : Pourquoi le diktat de la virilité coûte cher, à tout le monde
Extrait :
« Sois un homme ! » Dès leur plus jeune âge, les garçons sont sommés de se conformer aux rudiments de la masculinité. « Qu'est-ce que ça exige, au juste, être un homme, un vrai ? », questionnait Virginie Despentes en 2006 dans King Kong théorie, un livre qui a marqué les esprits : « Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l'enfance brutalement, et définitivement : les hommes-enfants n'ont pas bonne presse. Être angoissé par la taille de sa bite. Savoir faire jouir les femmes sans qu'elles sachent ou veuillent indiquer la marche à suivre. Ne pas montrer sa faiblesse. Museler sa sensualité. »
Adopter les postures « viriles », c'est la règle à laquelle on ne déroge pas sous peine d'être mis au ban. Les hommes apprennent à dominer leur nature pour correspondre à un modèle qui s'affiche universel et intangible : ne pas pleurer ; jouer des coudes ; arriver le premier ; agresser ; se surpasser et bien sûr, avoir l'ascendant sur les femmes, des postures qui induisent essentialisme, différentialisme et hiérarchie entre les sexes. Aussitôt né, aussitôt assigné à un rôle et à une place. Car cette pression sur les épaules des hommes s'apparente à celle que vivent les femmes, rattachées aux stéréotypes opposés avec des conséquences encore plus préjudiciables au quotidien : salaires inférieurs, violences sexistes, répartition des tâches domestiques inégalitaires, etc. Comme l'écrit Despentes, « la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l'assignement à la féminité ».
« Se conformer aux normes de la masculinité hégémonique coûte cher aux hommes »
Solidement arrimés à leur piédestal, les hommes bénéficient encore des attributs du pouvoir mais en payent le prix fort, sans en avoir conscience. Minoritaires en France, ils représentent 48,4 % de la population au 1er janvier 2019: il y a donc 2,2 millions de femmes en plus. Les garçons sont plus nombreux à la naissance et le demeurent jusqu’à 23 ans (51,1 % des moins de 24 ans). Pourtant, leur espérance de vie est inférieure: 79,4 ans contre 85,5 ans pour les femmes en 2021, selon l'INED. Ils vivent aussi moins longtemps en bonne santé, un an et cinq mois de moins que les femmes soit 64,4 ans pour eux et 65,9 ans pour elles, selon les chiffres de la DREES en 2020. Moins précautionneux quant à leur suivi médical, moins soucieux de se protéger, plus volontiers négligents, les hommes ne se plaignent pas ! Une étude publiée par Cancer Research UK en 2013 révélait que le taux de mortalité de ceux atteints par un mélanome malin est supérieur aux femmes, notamment parce que le diagnostic est annoncé à un stade plus avancé. Il est vrai que beaucoup d'entre eux font fi de leurs angoisses et consultent moins médecins et psys.
À la vulnérabilité physique, s’ajoutent des difficultés psychiques. Dans l'ouvrage Le coût de la virilité, l’historienne Lucile Peytavin écrit que les parents ont plus de contacts physiques avec leurs filles, « les incitent à sourire, à vocaliser, alors qu’ils stimulent davantage physiquement les garçons. [Elles] développent ainsi plus d’aptitudes à comprendre et à exprimer des émotions, à interagir avec autrui ».
A contrario, le contrôle des sentiments est une des prescriptions faites aux hommes depuis l'enfance. Parmi les idées communément admises, les hommes seraient moins souvent concernés par la dépression. Pourtant, la prise de drogue ou d'alcool, les comportements agressifs ou l'hyperactivité, plus fréquents chez les hommes, sont révélateurs d'un certain mal-être, et font des ravages sur leur santé et leur sécurité. Les victimes du suicide sont pour près des trois quarts des hommes (…)