Un activateur d'égalité réelle

La graisse des rires

26/03/25 |  

La graisse des rires

Le rire, devenu un ciment de complicité silencieuse, ne réside pas seulement dans celui qui rit trop fort, mais aussi dans ceux qui l'accompagnent, cautionnant sans dire, discréditant sans y penser.

Réflexe primitif des hommes, le rire est un moyen d’expression devenu une arme de liberté et un outil de critique sociale. S’il manifeste le plus souvent une gaieté soudaine, il peut également dissimuler des réalités plus sombres. Au cœur du patriarcat, le rire collectif, souvent partagé entre hommes, devient alors un moyen d’absoudre des comportements problématiques et de légitimer l’injustice.

Rires complices, silences coupables

Considéré comme un vecteur de convivialité et de légèreté, l’humour fédère en société, protège voire excuse les propos de son orateur.ice. Dans la sphère cinématographique, certaines figures ont construit leur légende sur une exubérance, qui, sous couvert de génie, a servi d’écran de fumée à des comportements répréhensibles. Derrière la blague graveleuse et la réputation du « bon-vivant », se musse une domination masculine banalisée.

Le problème ne réside pas uniquement en celui qui rit trop fort, mais aussi en ceux qui l’accompagnent, cautionnant sans dire, discréditant sans y penser. Le rire, désormais dissocié d’une simple plaisanterie, devient le ciment d’une complicité nuisible et silencieuse.

L’égalité entre les sexes ne sera jamais atteinte tant que les hommes observeront les injustices sans y prendre part. Trop souvent, face aux accusations de violences sexistes et sexuelles, les collègues, amis et compères masculins privilégient la neutralité, qui, en réalité, profite à l’agresseur. Le soutien passif – un mutisme de gêne, une blague pour détourner le sujet ou « détendre l’atmosphère », participe au maintien d’un système où les victimes combattent seules leurs prédateurs.

Faire parler ses yeux

Pour que la société avance vers la responsabilité collective, tout.e individu.e se doit de clarifier sa prise de position. Un regard maintenu, un rire non-rendu, une présence affirmée : chaque réaction est un moyen de dénoncer, de confronter et de remettre en question la culture de l’impunité. Pour accéder à une véritable égalité, l’action doit succéder à l’observation : prendre la parole permet de rompre tous les silences qui perpétuent l’injustice.

Tous les rires ne sont pas de bons cœurs. Sous leurs éclats sont banalisées violences et agressivités invisibles, contre lesquelles chacun.e se doit d’interagir. Finalement allié de la passiveté masculine, le rire témoigne de complicités, même involontaires, qui entravent l’égalité d’avenir.

Partagez