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06/03/25 | Chronique de Lucie, ouvrage
Une analyse du Pamphlet
Dans cet extrait de Voltaire, nous découvrons le personnage de la maréchale de Grancey, une femme caractérielle qui se révolte contre l'une des injonctions les plus ancestrales : “Femmes, soyez soumises à vos maris”. Au 18e siècle, la plume satirique de l'auteur était au cœur de polémiques l'accusant de plaidoyer pour la défense de la condition féminine. En 2025, la lecture nous impose quelques saveurs amères malgré son intention critique.
Les fardeaux de chair
La maréchale de Grancey incarne la colère – celle qui frémit de reconnaître l'oppression. De ses mains qui jettent le livre et de ses lèvres qui fulminent, elle dénonce les inégalités de genre observées, prenant à partie la nature qui l'a faite. Dans son ébullition, c'est son propre corps qu'elle semble dénigrer. Le refus de la soumission à l'autorité masculine se fait au travers des maux qu'elle considère comme des fardeaux : menstruations, grossesse, douleurs de l'accouchement. Ces réalités biologiques, qu'elle identifie comme étant la cause de ses souffrances, sont réduites à des “maladies” ; presque à des malédictions qui justifieraient son refus de l'obéissance. Pourtant l'égalité des sexes trouve sa véritable légitimité non dans la souffrance, mais dans le principe même du droit naturel.
Une insoumission sélective
Sa lutte est discréditée dans une contradiction notoire. Si la maréchale de Grancey rejette la soumission, elle n'est pas insensible à l'idée de porter certaines valeurs traditionnelles imbriquées aux femmes : la douceur, la complaisance, l'attention. Elle semble presque vouloir les accepter à condition qu'elles ne soient pas imposées sous la forme d'une soumission. Et puis, il y a cette confession, lancée presque avec légèreté : ni elle ni son mari n'ont respecté leur promesse de fidélité. Ce rejet des conventions est audacieux, mais il révèle aussi une certaine insouciance. Finalement, ce n'est pas la fidélité qui l'oppresse, mais l'idée qu'on puisse lui imposer une conduite. Elle ne revendique pas tant l'égalité que le droit de fixer ses propres règles, dans un monde régi par celles des hommes.
Un volte-face voltairien qui oscille entre satire et conformisme
Dans cet extrait, la maréchale, écrite par un homme, ne souhaite finalement pas renverser le système. Son combat n'est pas celui d'une révolutionnaire, mais celui d'une femme qui négocie ses libertés au sein de conventions qu'elle ne remet pas complètement en question. Une révolte sous contrôle, qui interroge sur les limites des figures féminines pensées par des plumes masculines.