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12/03/24 | auteur de violences, violences conjugales
Mise en lumière du concept de « contrôle coercitif », par Gwénola Sueur, doctorante en sociologie et Pierre-Guillaume Prigent, docteur en sociologie, qui travaillent autour de cette question depuis plusieurs années, notamment à travers des entretiens avec des femmes victimes de violences conjugales.
La notion de contrôle coercitif est de plus en plus évoquée dans les médias pour aborder la question des violences conjugales. Mais il ne s'agit pas d'un concept nouveau ou révolutionnaire. « La notion de contrôle coercitif sert à recontextualiser la violence conjugale. Mais on l'étudiait déjà dans les années 70 », explique Pierre-Guillaume Prigent. « Mais ça sert à dire que les violences conjugales, ça n'est pas juste de la brutalité physique, ou l'œuvre d'un homme fou qui va devenir extrêmement violent physiquement. Le contrôle coercitif,prend en compte les enjeux de pouvoir entre hommes et femmes », explique Pierre-Guillaume Prigent. « Ce modèle ressemble à celui du modèle français de la Stratégie de l'agresseur théorisée par le Collectif féministe contre le viol », précise Gwénola Sueur.
L'intérêt du concept de contrôle coercitif, c'est d'aller au-delà d'un simple recensement des violences physiques et psychologiques que peut subir une femme victime de violences conjugales. « Cela prend en compte un contexte d'inégalité structurelle entre les hommes et les femmes.
On peut résumer le contrôle coercitif à la prise en compte des 3 C : le contexte, les comportements, les conséquences.
Donc on ne va pas résumer cela uniquement à la violence psychologique, économique ou physique. En prenant en compte le contexte, on inclut aussi la manière dont madame est privée de ressources », ajoute Pierre-Guillaume Prigent. « Le contrôle coercitif se fonde sur le contrôle social des femmes tel que pensé par la sociologue britannique Jalna Hanmer dans les années 1980.» « Mais durant les entretiens, les dames utilisent les termes qu'elles souhaitent : abus, emprise… Pour nous les expressions utilisées sont importantes pour comprendre le contexte des violences conjugales, comment les techniques de l'agresseur, qui sont entremêlées, se sont mises en place », ajoute Gwénola Sueur.
Le contrôle coercitif a pour but de dominer et contrôler l'autre partenaire
Le contrôle coercitif se distingue par une dynamique de domination et de contrôle, où un partenaire exerce un pouvoir sur l'autre [1]. Les caractéristiques principales du contrôle coercitif incluent la restriction de l'autonomie et de la liberté de l'autre partenaire. Cela peut se manifester par des actions telles que l'isolement social, où l'individu impose des limitations sur les interactions sociales de sa partenaire, en limitant ses contacts avec sa famille, ses amis ou d'autres sources de soutien. Le contrôle coercitif peut également se manifester par une surveillance, où l'agresseur exerce un contrôle intrusif sur la vie privée de sa partenaire, surveillant ses communications, ses déplacements et ses activités en ligne. Le contrôle financier est souvent utilisé comme un moyen de maintenir le pouvoir et le contrôle dans la relation.
Dans de nombreuses sociétés, les normes de genre traditionnelles favorisent une dynamique de pouvoir inégale dans les relations intimes, où les hommes sont socialement et culturellement encouragés à exercer un contrôle sur leurs partenaires. Ces normes de genre peuvent légitimer le contrôle coercitif en tant que moyen pour les hommes de maintenir leur supériorité et leur autorité dans la relation. « Les femmes subissent des injonctions permanentes de la société sur la manière dont elles doivent se comporter, s'habiller etc. Les hommes violents s'appuient sur ces injonctions-là pour exercer leur pouvoir », explique Pierre-Guillaume Prigent.
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