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26/08/24 | ouvrage
Le terme « gaslight », ainsi que ses dérivés (gaslighting, être gaslighté), définit des situations de manipulation psychologique visant à rendre folle une personne
Extraits de l’article de Tanguy Grannis « l’évaporation des femmes »
à propos de l’ouvrage de Hélène Frappat : « Le Gaslighting ou l'art de faire taire les femmes, «
Si de nombreuses personnes peuvent se reconnaître dans l'expérience du gaslighting, ce phénomène n'avait pas encore fait l'objet d'une définition philosophique. Le livre d'Hélène Frappat vient combler ce manque, en mêlant au travail conceptuel de la philosophie le regard de la cinéphile et les outils du féminisme.
Avant même d'être un mot qui désigne une stratégie de manipulation psychologique misogyne – a fortiori un concept philosophique –, Gaslight (Hantise en français) est le titre d'un film de George Cukor, réalisé en 1944. Ce « film-matrice » met en scène les stratégies qu'élabore Gregory (interprété par Charles Boyer) pour rendre folle son épouse, Paula (Ingrid Bergman). Le mari, tel un évaporateur (traduction possible de « gaslighteur »), fait disparaître des objets en persuadant son épouse que c'est elle qui les égare. Mais c'est surtout la manipulation, par le mari, de la luminosité des lampes à gaz (gaslight), qui fait écho à l'obscurité qui envahit l'esprit de Paula, hantée par le doute.
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Le gaslighting relèverait-il alors d'une logique de guerre aux femmes ? Avec cette expression, il s'agit de poser la question de la nature de la déshumanisation des femmes dans le cadre conjugal et dans l'espace public. Le problème, en somme, est celui de la production du partage public/privé – la sphère privée étant définie par l'absence de témoins attestant de la disparition d'une femme. L'autrice, citant Rebecca Solnit, rappelle que le gaslighting est une des stratégies, parmi d'autres, à disposition des hommes violents dans le couple, dans un ensemble nommé « contrôle coercitif ». Cette expression décrit, selon le sociologue Evan Stark, un schéma d'isolement, d'intimidation et de contrôle de la victime (p. 51). Ce schéma s'inscrit lui-même dans un continuum dont la pointe est le féminicide
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